Contrairement à une idée reçue, la voie étroite (d'un écartement inférieur à 1435 mm) n'est pas l'ancêtre de la voie normale. En effet, l'écartement de la voie dite normale (1435 mm) a été utilisé dès la naissance du chemin de fer, au début du XIXe siècle, même si elle n'est devenue la référence internationale qu'à la fin du XIXe siècle.
La méconnaissance de la voie étroite s'explique par le fait qu'elle a été remplacée à la fin de la Seconde Guerre Mondiale, comme expliqué ci-après.
La voie étroite a un avantage économique certain sur la voie normale :
Chemin de fer de Pithiviers à Toury. |
Alors que le réseau ferré principal a toujours été en voie normale, une bonne partie du réseau ferré secondaire (totalisant 23000 km en France à l'apogée du chemin de fer vers 1925), était constitué de voies étroites, principalement de la voie métrique (1000 mm) mais aussi de la voie de 60 (600 mm) imaginée en 1875 par le français Paul Decauville, comme celle qu'a installée l'AECFM à Rillé pour faire revivre le matériel roulant adapté à cet écartement.
Pour exemples, la moitié du réseau breton était en voie métrique (426 km) et le Chemin de Fer du Calvados totalisait 223 km de voie de 60 (avec un projet non abouti d’extension ajoutant 369 km, ce qui aurait constitué un réseau de 592 km en voie de 60 !).
L'une des gares du Réseau Breton. |
La voie de 60 a été adoptée comme outil stratégique essentiel par l'armée à l'approche de la Première Guerre Mondiale, sous forme de voie légère en coupons (comme pour les modèles réduits) afin de créer et déplacer rapidement sur terrain non terrassé un chemin de fer véhiculant munitions et soldats vers le front, rapatriant blessés et matériel. L'intérieur de la ligne Maginot est parcouru par une voie de 60.
Transport de munitions pendant la Première Guerre Mondiale. |
Galerie dans la Ligne Maginot. |
Les voies étroites ont disparu en majeure partie suite au débarquement des Alliés à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Elles ont été converties en voies normales là où les militaires alliés devaient faire passer leurs trains. Il ne reste que quelques voies étroites encore en activité commerciale, comme par exemple le chemin de fer de la Corse ou celui du Blanc-Argent.
Des associations ont pu récupérer à temps une partie d'autres lignes à voie étroite d'antan, comme le Chemin de Fer du Vivarais, le Chemin de Fer de la Baie de Somme, ou encore l'Association du Musée des Transports de Pithiviers, pour ne citer que celles-là.
Aujourd'hui, les voies de 60 sont toujours utilisées à des fins industrielles, où le transport de matériaux s'effectue en continu, pas seulement dans les mines.
Les voies étroites portatives sont toujours employées pour des chantiers de grande envergure (comme pour la rénovation du Louvre) et pendant la construction de tunnels, afin d'acheminer les matériaux lors des déblaiements et approvisionnements.
Les réseaux secondaires en voie étroite d'antan, dont on peut trouver sur internet des photos sur des cartes postales de l'époque, ne font pas l'objet de médiatisation comme pour le patrimoine architectural. Il n'est donc pas étonnant que peu de personnes sachent que ces réseaux ont existé et aient conscience de l'importance de la voie étroite à cette époque.
Espérons que le patrimoine industriel, même s'il est d'un passé proche, sera reconnu comme faisant partie de notre Histoire et mis en valeur, sans oublier dans toutes ses facettes l'invention pratique de la voie étroite !